Alors que le monde marquait, le 19 novembre, la Journée mondiale des toilettes, l’Afrique rappelle l’ampleur d’une crise souvent silencieuse : 779 millions d’Africains ne disposent toujours pas de services d’assainissement de base et 208 millions pratiquent encore la défécation à l’air libre. Des chiffres qui illustrent un défi sanitaire, économique et social majeur.
Pour Mtchera Johannes Chirwa, directeur du développement de l’eau et de l’assainissement à la Banque africaine de développement (BAD), l’assainissement doit désormais être considéré comme un levier stratégique du développement du continent. Il résume en cinq points les enjeux et les avancées.
L’assainissement, un enjeu transversal pour la santé, l’éducation et l’économie
En Afrique, l’urbanisation galopante, la pression démographique et le changement climatique fragilisent les systèmes d’assainissement. Les conséquences sont directes : propagation accrue du choléra, de la typhoïde et de maladies hydriques.
L’absence de toilettes adaptées dans les écoles continue également d’affecter l’assiduité des filles, surtout en période menstruelle.
Des solutions existent : toilettes sûres, systèmes de traitement adaptés, valorisation des boues d’épuration… Autant d’innovations capables d’améliorer la santé publique, de soutenir l’agriculture et de préserver la dignité des populations.
À la BAD, l’assainissement prend enfin sa place
Longtemps éclipsé par les priorités liées à l’eau potable, l’assainissement gagne du terrain.
Le département AHWS de la BAD revendique 33 millions de bénéficiaires supplémentaires en dix ans.
En Angola, un projet a permis d’améliorer l’accès à l’eau et à l’assainissement pour 1,5 million de personnes. Dans la ville de Sumbe, la construction d’une centaine de latrines pilotes a entraîné la création de 301 latrines supplémentaires, construites par les habitants eux-mêmes.
Une dynamique qui reflète un changement culturel profond : les toilettes ne sont plus un sujet secondaire, mais un pilier du développement.
Les eaux usées, une ressource sous-exploitée
Le recyclage des eaux usées devient une opportunité pour les économies africaines.
En Égypte, la station d’Abu Rawash traite chaque jour 1,6 million de m³ d’eaux usées, réutilisées pour l’agriculture et transformées en engrais organique.
Des cultures comme le blé, le maïs ou le tournesol profitent déjà de ces eaux traitées, notamment dans les régions arides.
Un nouveau guichet pour accélérer l’accès aux toilettes en zone urbaine
La Facilité africaine de l’eau lance un guichet dédié à l’assainissement urbain, destiné aux zones non raccordées aux égouts.
Objectif dans les dix prochaines années :
15 millions de personnes couvertes par des services d’assainissement sûrs ;
7 milliards de dollars d’investissements mobilisés.
L’initiative se veut globale, de la construction à la vidange, du transport au traitement, jusqu’à la réutilisation et l’élimination sécurisée.
L’innovation locale, moteur des succès en milieu rural
En Zambie occidentale, l’innovation vient du terrain. Un simple panier biodégradable placé dans les fosses permet d’éviter l’effondrement des latrines dans les sols sablonneux.
Cette initiative, portée par plus de 500 champions communautaires, a transformé des villages entiers. Dans l’un d’eux, 90 % des ménages utilisent désormais des latrines améliorées. Le programme, estimé à 34 millions de dollars, a aussi permis une forte baisse des maladies hydriques.
Un appel continental
Pour la BAD, l’Afrique dispose de l’ingéniosité et de la volonté nécessaires pour relever le défi. À condition d’investir durablement, de recycler davantage et de repenser les systèmes d’assainissement face aux mutations environnementales et démographiques.



