La croissance accélérée des infrastructures numériques place la gestion de l’eau au cœur des nouveaux défis des centres de données au Moyen-Orient et en Afrique. Un récent rapport publié par Mordor Intelligence dresse un état des lieux détaillé de la consommation d’eau du secteur, en analysant ses dynamiques, ses moteurs de croissance et ses perspectives à l’horizon 2030.
L’étude met en évidence l’impact croissant de la numérisation sur l’approvisionnement, la gestion et le recyclage de l’eau dans une région déjà soumise à de fortes pressions hydriques. En 2025, la consommation d’eau des centres de données était estimée à 119,34 milliards de litres. Elle devrait atteindre 426,31 milliards de litres d’ici 2030, portée par un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 29 %. Cette progression reflète l’essor rapide des centres de données hyperscale, de colocation et d’entreprise dans les pays du Golfe, en Afrique et au sein de nouveaux hubs de connectivité.
Tendances structurantes du marché
Des systèmes de refroidissement plus sobres en eau
Les opérateurs s’orientent de plus en plus vers des solutions de refroidissement en circuit fermé et à faible consommation. Les systèmes hybrides et à eau glacée gagnent du terrain, permettant de gérer efficacement la chaleur tout en intégrant la réutilisation de l’eau comme principe opérationnel central.
Le recours accru aux eaux non potables et recyclées
Pour réduire leur dépendance aux réseaux municipaux, de nombreuses installations développent l’utilisation d’eaux usées traitées, d’eaux grises et de la récupération des condensats. Lorsque les standards de qualité le permettent, ces ressources alternatives sont intégrées directement aux circuits de refroidissement, renforçant la résilience des infrastructures face aux risques de pénurie.
L’informatique haute densité transforme les modèles de refroidissement
La montée en puissance des charges de travail à forte densité, notamment liées à l’intelligence artificielle, modifie profondément les profils de consommation d’eau. Le refroidissement liquide direct et les solutions hybrides sélectives s’imposent progressivement, en limitant les pertes par évaporation tout en garantissant des performances thermiques stables.
La gestion de l’eau, nouveau critère de décision économique
Au-delà des performances techniques, la manière dont l’eau est gérée tout au long du cycle de vie des centres de données devient un facteur déterminant pour les clients et les investisseurs. La transparence des indicateurs d’efficacité hydrique et des pratiques d’approvisionnement influence désormais les choix d’implantation et les décisions contractuelles.
Une segmentation révélatrice des mutations du secteur
L’analyse du marché de la consommation d’eau des centres de données au Moyen-Orient et en Afrique met en évidence une structuration fine du secteur, reflet de la diversité des modèles économiques, technologiques et territoriaux.
Du point de vue des sources d’approvisionnement en eau, les centres de données continuent de s’appuyer sur l’eau potable, tout en diversifiant progressivement leurs ressources. Le recours aux eaux non potables et aux eaux grises s’intensifie, parallèlement à l’exploitation de sources alternatives telles que les eaux souterraines et de surface, l’eau de mer, les eaux produites issues des activités industrielles, ainsi que la collecte des eaux de pluie. Cette diversification vise à réduire la pression sur les réseaux municipaux et à sécuriser l’exploitation à long terme.
La segmentation par type de centre de données révèle la coexistence de plusieurs modèles. Les centres de données d’entreprise répondent à des besoins internes spécifiques, tandis que les installations de colocation et les fournisseurs de services cloud accompagnent la montée en puissance de l’externalisation numérique. Les centres de données hyperscale, moteurs de la croissance du marché, concentrent à eux seuls une part significative des besoins énergétiques et hydriques.
Selon la taille des infrastructures, le marché s’étend des petits et moyens centres de données aux grandes installations, jusqu’aux centres massifs et méga centres de données. Ces derniers, souvent implantés à proximité des grands hubs de connectivité, concentrent les enjeux les plus critiques en matière de gestion de l’eau et d’optimisation des performances environnementales.
Enfin, la segmentation par technologie de refroidissement illustre l’évolution rapide des choix techniques. Les systèmes à eau glacée demeurent largement utilisés, mais ils sont de plus en plus complétés, voire remplacés, par des solutions de refroidissement évaporatif indirect et adiabatique, par le refroidissement liquide direct, ainsi que par des approches hybrides. Ces technologies traduisent une volonté croissante de concilier performance numérique et sobriété hydrique.
Des acteurs clés au cœur de la transformation
Dans ce paysage en recomposition, plusieurs acteurs majeurs structurent le marché et orientent les pratiques. Leur capacité à intégrer des stratégies innovantes de gestion de l’eau devient un facteur déterminant de compétitivité et de crédibilité, à mesure que les exigences réglementaires, environnementales et financières se renforcent.
L’analyse cite notamment Equinix, Digital Realty Trust, MEEZA, Etisalat et Africa Data Centres parmi les principaux acteurs étudiés.
Au-delà des chiffres, le rapport souligne une évolution majeure : la croissance des centres de données ne se mesure plus uniquement à l’augmentation des capacités numériques, mais aussi à la performance de la gestion de l’eau, dans des contextes climatiques et réglementaires de plus en plus contraignants. L’eau s’impose ainsi comme un enjeu stratégique central de la transition numérique mondiale.
