Alors que le problème de l’eau se pose à l’échelle mondiale, l’Egypte doit réduire son empreinte hydrique agricole et industrielle pour rationnaliser sa consommation. Explications.

« Votre empreinte eau compte, calculez-la bien », tel est le slogan de la campagne lancée récemment par le ministère de l’Irrigation et des Ressources hydriques pour sensibiliser les citoyens à l’importance de l’empreinte eau. La pénurie d’eau est considérée comme l’un des plus grands risques pour l’économie mondiale, d’où l’importance de développer de nouveaux concepts pour rationaliser la consommation d’eau. Qu’est-ce que l’empreinte eau ? Il s’agit du volume total d’eau virtuelle consommée pour produire un service. Ce terme a été introduit pour la première fois par Tony Allan au début des années 1990, mais n’a été reconnu à l’échelle mondiale qu’en 2002, dans la ville néerlandaise de Delft. Il existe trois types d’empreinte eau : l’empreinte bleue des rivières, des lacs et des nappes phréatiques, l’empreinte verte des eaux pluviales et l’empreinte grise qui indique généralement une pollution. Ces différentes empreintes donnent une image complète des utilisations de l’eau en identifiant la source d’eau consommée.
L’empreinte eau est mesurée à trois niveaux. Le premier concerne la quantité de l’eau consommée dans les différents processus de production, le deuxième niveau porte sur l’empreinte eau du pays dans son ensemble et couvre la quantité d’eau douce consommée, perdue, gaspillée ou polluée sur le territoire du pays. Ce niveau comprend la consommation nationale totale d’eau et le commerce extérieur du pays en eau. Enfin, le troisième niveau concerne le niveau d’utilisation de l’eau par habitant appelé « empreinte eau du consommateur ». Selon les estimations de la Banque mondiale, la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) est confrontée à une pénurie d’eau sans précédent. D’ici 2030, la quantité d’eau disponible dans la région MENA tombera sous le seuil absolu de pénurie, fixé à 500 m3 par personne et par an.
« Si la consommation continue au même rythme, nous aurons besoin de trois planètes pour maintenir le modèle de consommation actuel. D’ici 2030, nous prévoyons que les besoins mondiaux en eau augmentent de 30 %, en énergie de 40 % et en nourriture de 50 % », a averti Dr Ossama Salam, spécialiste des ressources en eau et de l’environnement, dans son étude intitulée « L’empreinte eau égyptienne, un indicateur de la sécurité hydrique et alimentaire ». Et d’expliquer : « Par exemple, l’empreinte eau quotidienne d’un individu non végétarien est estimée à environ 4 000 litres, tandis que celle d’un individu végétarien est estimée à environ 1 500 litres. Il faut savoir que la production d’un litre d’huile de tournesol nécessite environ 8 000 litres d’eau, et la production d’un kilo de viande de boeuf nécessite environ 16 000 litres, tandis que la production d’un kilo de légumes ne nécessite que 250 litres d’eau ».
Le ministère des Ressources hydriques a lancé une campagne de sensibilisation pour les citoyens à l’importance de l’empreinte eau. « L’eau gaspillée n’est pas seulement l’eau courante, mais l’ensemble des produits que nous consommons, car l’eau entre dans les étapes de fabrication et de transport de ces produits. Par exemple, un t-shirt a besoin de 2 700 litres d’eau, un jean de 8 000 litres d’eau », explique Dr Ossama Salam. Selon Abbas Sharaky, chef du département des ressources hydriques au Centre des recherches et des études africaines de l’Université du Caire, ce concept est récent en Egypte, c’est pourquoi les campagnes de sensibilisation doivent mettre en évidence l’impact économique et les profits que les agriculteurs peuvent tirer de l’application de l’empreinte eau.

Le commerce de l’eau virtuelle
L’Egypte importe déjà beaucoup d’eau virtuelle, afin de combler son déficit. 4,585 millions de tonnes de blé ont été importées au cours de la période 2000-2007, économisant ainsi environ 3,338 millions de m3 d’eau réelle qui auraient été utilisés pour cultiver cette quantité de blé. En revanche, l’Egypte perd une grande quantité d’eau dans la culture du riz et de la canne à sucre. La quantité d’eau perdue dans la production et l’exportation de 739 000 tonnes de riz a été estimée à environ 1 718,75 millions de m3 d’eau au cours de la période 2000-2007.
« L’empreinte eau des cultures est cruciale pour déterminer les surfaces cultivées », a déclaré Dr Hany Sweilam, ministre de l’Irrigation, soulignant son importance, notamment avec les changements climatiques qui affectent fortement le secteur de l’eau. C’est pourquoi l’Etat a commencé à changer les politiques relatives à la culture de certaines denrées, comme le riz, qui fait partie des cultures les plus consommatrices d’eau. « Nos ressources en eau sont limitées. Nous devons donc nous demander, à la fin de chaque année, combien de tonnes de denrées agricoles avons-nous produit, et quel gain avonsnous obtenu ? L’équation nous dira si nous avons utilisé efficacement l’eau ou si nous l’avons gaspillée dans des cultures qui sont consommatrices d’eau et dont le rendement est faible », a affirmé Sweilam. Avis partagé par le Dr Salam. Ce dernier pense qu’il est aujourd’hui nécessaire d’effectuer davantage de recherches sur le commerce de l’eau virtuelle en tant qu’outil stratégique dans la planification des politiques hydriques. « Pour étendre l’utilisation de l’empreinte eau en Egypte, les bases de données doivent être mises à jour, des lois et des réglementations doivent être élaborées pour encourager les entreprises et les individus à utiliser l’empreinte eau dans leurs opérations », conclut Salam.