Objectifs de résilience en matière d’eau, d’assainissement et de climat à l’horizon 2030 : 5 actions essentielles que les ministres africains peuvent entreprendre dès maintenant

Un déficit d’investissement annuel de 130 milliards de dollars entrave la réalisation de l’objectif mondial d’un accès universel à des services d’eau et d’assainissement résilients face au changement climatique d’ici à 2030, selon l’organisation Assainissement et Eau pour Tous (SWA) . En Afrique, ce déficit est estimé à au moins 30 milliards de dollars supplémentaires par an .

En octobre 2025, près de 50 délégués ministériels du monde entier se sont réunis à Madrid lors de la réunion des ministres sectoriels de 2025 pour discuter des moyens de mieux intégrer les objectifs relatifs à l’eau, à l’assainissement et à l’action climatique au niveau gouvernemental.

Pour les délégués africains participants, c’était l’occasion d’intégrer les perspectives africaines sur la scène internationale en amont de la COP30 et de la Conférence des Nations Unies sur l’eau de 2026. Il était également essentiel de contribuer à l’établissement des cinq piliers directeurs mondiaux.

Cinq statistiques critiques sur l’eau, l’assainissement, l’hygiène et le climat en Afrique appellent à des mesures urgentes.

Comme indiqué dans le document intitulé « Pacte des dirigeants de haut niveau – L’engagement de Madrid pour l’action » publié par SWA, ces cinq priorités d’un point de vue africain sont les suivantes :

Intégration politique et institutionnelle

Priorité n° 1 : Intégrer les priorités en matière d’eau, d’assainissement, d’hygiène et de climat dans les plans nationaux d’adaptation, les engagements climatiques et les stratégies de développement.

En 2018, 71 % des pays africains se situaient dans les catégories de mise en œuvre de la gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) allant de moyennement faible à très faible, selon un rapport du PNUE . En 2024, le rapport du PNUE intitulé « Progrès accomplis dans la mise en œuvre de la gestion intégrée des ressources en eau » a révélé qu’aucune des sous-régions africaines n’était en voie d’atteindre l’ objectif ambitieux de l’ODD 6.5, à savoir une mise en œuvre de la GIRE « très élevée » (91-100 %) d’ici à 2030.

Ces stagnations engendrent une lacune critique en matière de gouvernance, que des projets sectoriels isolés ne sauraient combler. Il est temps pour les nations de dépasser la gestion fragmentée et de mettre en œuvre une intégration politique et institutionnelle.

Les ministres doivent s’efforcer d’intégrer directement les dispositions relatives à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène dans les plans nationaux d’adaptation et les stratégies de développement plus larges. Les gouvernements ont le pouvoir d’obtenir l’influence politique et la cohérence institutionnelle nécessaires pour inverser la tendance en matière de gestion intégrée des ressources en eau, accélérer les progrès et atteindre les objectifs de développement durable.

Services inclusifs et fondés sur les droits

Priorité n° 2 :  Utiliser les données pour identifier et atteindre les populations les plus vulnérables – enfants, femmes, peuples autochtones, personnes handicapées et communautés déplacées – tout en promouvant la transparence et la participation communautaire. 

Malgré les progrès enregistrés en Afrique subsaharienne depuis les années 1990, le dernier  rapport de suivi conjoint de l’UNICEF et de l’Organisation mondiale de la santé  estime qu’une personne sur quatre n’a toujours pas accès à de l’eau potable gérée en toute sécurité et que deux personnes sur cinq n’ont pas accès à des installations sanitaires gérées en toute sécurité.

Les femmes, les filles et les enfants restant les plus vulnérables, ces statistiques sont préoccupantes pour l’Afrique.

L’échec de l’accès universel est une indication claire que les interventions générales et de grande envergure ne suffisent pas. Pour combler cet écart et donner la priorité aux personnes les plus touchées, les gouvernements doivent mettre en œuvre immédiatement des services inclusifs et fondés sur les droits.

Pour dépasser ces statistiques alarmantes, il est indispensable d’utiliser des données désagrégées et de haute qualité afin d’identifier, de localiser et de suivre avec précision les communautés et les groupes de personnes les plus vulnérables. Ceci permettra de garantir que les futurs investissements dans les services d’eau, d’assainissement et d’hygiène (EAH) soient ciblés avec précision, transparents et axés sur les besoins des plus vulnérables.

Systèmes résilients et gestion des risques

Priorité n° 3 : Intégrer les évaluations des risques climatiques et environnementaux dans la planification et promouvoir les solutions fondées sur la nature et la restauration des écosystèmes.

Une publication de septembre 2025 de l’ Association des médecins soudano-américains (SAPA) soulignait le lien direct entre le changement climatique, la rareté de l’eau et les déplacements de population sur le continent.

L’étude affirme que 2 millions de personnes en Afrique de l’Est ont été déplacées en raison de la sécheresse et des conflits, et que les migrations vers les zones urbaines mettent à rude épreuve des villes comme Nairobi.

En 2024, Earth.org a averti que le changement climatique pourrait déplacer jusqu’à 700 millions de personnes en Afrique d’ici 2030 en raison de la raréfaction croissante de l’eau et des chocs qui en découlent. Ce chiffre s’élevant actuellement à 400 millions, la priorité accordée par le Pacte des dirigeants de haut niveau à la résilience des systèmes et à la gestion des risques est, à juste titre, une priorité majeure.

Pour renforcer véritablement la résilience face à ces chocs, les dirigeants doivent dépasser les mesures réactives et intégrer de manière proactive les évaluations des risques climatiques et environnementaux à tous les niveaux de la planification urbaine. Investir dans des solutions fondées sur la nature et la restauration des écosystèmes est essentiel pour stabiliser ces régions vulnérables.

L’approche est simple : s’attaquer aux causes profondes de la dégradation environnementale à l’origine de ces crises migratoires.

Financement durable et innovant

Priorité n° 4 : Mobiliser les ressources nationales et internationales grâce aux obligations vertes et bleues, au financement axé sur les résultats et aux partenariats public-privé.

D’après la Banque mondiale, les partenariats public-privé ne représentent que 3 % des investissements totaux dans le secteur de l’eau en Afrique, les entreprises publiques et les organismes d’État assurant les 97 % restants. Ce taux est bien inférieur à la participation du secteur privé dans d’autres secteurs d’infrastructures, ce qui souligne la nécessité de mettre en place des mécanismes plus efficaces pour attirer et pérenniser les investissements dans le domaine de l’eau.

Pour mobiliser davantage de ressources, il faudra améliorer les incitations offertes aux investisseurs, renforcer les portefeuilles de projets et déployer des instruments ciblés de réduction des risques afin de diminuer l’incertitude tout en préservant la valeur publique. La cohérence avec le Pacte des dirigeants de haut niveau sur la sécurité et la résilience de l’eau contribuera également à harmoniser les actions publiques et privées.

Dans ces conditions, des outils tels que les obligations vertes et bleues, le financement axé sur les résultats et les partenariats public-privé bien structurés peuvent permettre d’accroître plus efficacement le financement des systèmes de sécurité de l’eau et d’assainissement.

Leadership politique et responsabilité

Priorité n° 5 : Veiller à ce que l’eau et l’assainissement restent au sommet des agendas politiques mondiaux et nationaux, notamment par le biais de cadres de responsabilité mutuelle tels que ceux facilités par l’initiative « Eau et assainissement pour tous » (SWA).

L’Afrique subsaharienne perd environ 5 % de son PIB annuel en raison du manque d’assainissement, de la pénurie d’eau ou de sa contamination. Soulignant la gravité du problème et la responsabilité des ministres, un préambule du Pacte des dirigeants de haut niveau sur la sécurité et la résilience de l’eau déclare :

« Nous reconnaissons que la fragmentation des politiques, la faiblesse de la coordination et l’insuffisance et l’inefficacité du financement continuent d’entraver les progrès. Pour lever ces obstacles, il est nécessaire de renforcer le leadership politique, de favoriser une collaboration pangouvernementale inclusive, d’assurer une gouvernance inclusive et de réaliser des investissements plus prévisibles et plus efficaces qui répondent aux besoins de tous, en particulier des plus vulnérables. »

Suite à l’Engagement de Madrid sur la sécurité de l’eau, l’assainissement et la résilience climatique

À l’instar du reste du monde, les ministres africains se sont engagés à « collaborer avec le partenariat Assainissement et Eau pour tous afin de suivre les progrès accomplis grâce à un suivi systématique, aligné sur les systèmes nationaux et les cadres mondiaux tels que les indicateurs de l’ODD 6, une large collaboration multipartite et un apprentissage adaptatif continu ».

Le pacte élaboré lors de la réunion des ministres sectoriels de 2025 a été approuvé par 29 États, dont plus de la moitié sont africains.

En effet, le Burundi, l’Eswatini, l’Éthiopie, le Kenya, le Libéria, le Malawi, le Mali, le Niger, le Nigéria, la Sierra Leone, la Somalie, le Soudan du Sud, la Tanzanie, le Ghana, l’Ouganda et la Gambie se sont joints au Réseau africain de la société civile pour l’eau et l’assainissement (ANEW), à la Coalition ghanéenne des ONG du secteur de l’eau et de l’assainissement (CONIWAS), à l’UNICEF et à 14 autres organisations pour soutenir et promouvoir la mise en œuvre des cinq priorités mondiales identifiées dans le Pacte des dirigeants de haut niveau sur la sécurité et la résilience de l’eau.

La porte reste ouverte à ce pacte pour que d’autres gouvernements puissent adhérer et exprimer leur ferme intention de garantir l’assainissement et la sécurité de l’eau, ainsi que la résilience nécessaire à la santé des populations, au développement économique et à la durabilité environnementale.

Distribué par African Media Agency (AMA) pour le compte de Sanitation and Water for All (SWA)

À propos de l’assainissement et de l’eau pour tous (SWA)

Depuis 15 ans, le partenariat « Eau et assainissement pour tous » (EAT), hébergé par l’UNICEF, réunit gouvernements, société civile, acteurs du secteur privé et partenaires au développement afin de promouvoir le droit humain à l’eau et à l’assainissement pour tous. Avec plus de 500 partenaires à travers le monde, l’EAT encourage l’engagement politique, renforce les institutions et promeut la redevabilité pour obtenir des résultats durables.

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