La nouvelle orientation de l’Etat est de reprendre la main sur ce secteur stratégique, en créant des sociétés régionales multiservices. Après le rachat de Lydec à Casablanca, ce sera prochainement le tour des autres multinationales présentes au Maroc.
C’est officiel, l’Etat reprend les commandes des services de distribution de l’eau et de l’électricité et de l’assainissement dans le Grand-Casablanca, près de trois ans avant la fin du contrat de gestion déléguée de la Lydec. Le groupe français Veolia a cédé le 9 juillet 2024 ses parts dans Lydec à la Société régionale multiservices Casablanca-Settat (SRM), une entreprise publique, pour environ 1,68 milliard de dirhams, couvrant ainsi près de 99% du capital de la Lydec. «Lydec porte à la connaissance du public et aux parties prenantes de l’entreprise que son actionnaire majoritaire, le groupe Veolia, a annoncé avoir conclu un accord avec les autorités marocaines concernées pour la cession à la SRM Casablanca-Settat, de l’intégralité de sa participation dans Lydec, acquise lors de la prise de contrôle de Suez par Veolia en 2022 », indique Lydec dans un communiqué. La clôture de l’opération devrait intervenir d’ici la fin de l’année 2024 après le recueil de toutes les approbations administratives nécessaires, notamment celle du ministère de l’Intérieur.
30 milliards de dirhams d’investissements
Installée au Maroc depuis 1997, Lydec, opérateur en charge de la distribution de l’eau potable et de l’électricité, de l’assainissement et l’éclairage public intervient dans un territoire marqué par une urbanisation galopante et un besoin accru en infrastructures. Depuis le démarrage de ses activités à ce jour, Lydec a marqué de ses empreintes la gestion de ces services. Sa plus grande réalisation est d’avoir empêché, entre autres, des inondations diluviennes comme celle de 1996 à Casablanca. En 26 ans, la Gestion déléguée a investi plus de 30 milliards de dirhams dont près de 42% en financement direct par le délégataire. L’expansion du Grand Casablanca induit une augmentation des besoins de base en eau, en assainissement des eaux usées et évacuation des eaux pluviales et en énergie.
Pour accompagner cette expansion, Lydec s’appuie sur ses réseaux « intelligents », contribuant à faire de Casablanca une ville durable. Un réseau intelligent utilise des Systèmes d’Information Géographique (SIG) ou des techniques connectées, qui permettent de contrôler le fonctionnement des réseaux et ouvrages, de diagnostiquer les incidents, de prioriser et gérer, en continu et à distance, les opérations de maintenance. Grâce aux nouvelles solutions qu’elle déploie, Lydec est arrivée à optimiser la gestion de ses réseaux, la gestion de la ressource, le service clientèle et la consommation de l’énergie, tout en optimisant les coûts d’exploitation et d’investissement.
La gestion durable de la ressource en eau étant un enjeu stratégique, Lydec l’a incluse dans sa Feuille de route Développement Durable à l’horizon 2030, articulée autour de trois engagements et 12 objectifs stratégiques au service du développement durable de la Région de Casablanca-Settat. Cette cession de la participation de Veolia dans Lydec n’est que le premier pas vers l’adoption d’un nouveau mode de gestion des services d’assainissement liquide et de distribution d’électricité et d’eau potable, qui a été appuyé, juridiquement, par l’entrée en vigueur de trois décrets relatifs à l’application de la loi 83.21 portant création des Sociétés Régionales Multiservices (SRM). Les nouveaux textes prévoient la création de douze sociétés régionales multiservices à l’initiative de l’État.
Ainsi, c’est le début de la fin de l’hégémonie des multinationales comme Suez et Veolia sur ce secteur dans les villes de Casablanca, Mohammedia, Rabat, Tanger et Tétouan. Les premières Sociétés Régionales Multiservices qui verront le jour sont basées dans quatre régions du Royaume, à savoir l’Oriental, Casablanca-Settat, Marrakech- Safi et Souss-Massa.
Nouveau mode de gestion
La deuxième phase sera marquée par la création des SRM dans la région de Tanger- Tétouan-Al Hoceima, Fès-Meknès, Rabat-Salé-Kénitra et Béni Mellal-Khénifra, puis dans la région de Draâ-Tafilalet, Guelmim-Oued Noun, Laâyoune-Sakia El Hamra, et Dakhla-Oued Eddahab. En outre, la loi prévoit une enveloppe budgétaire de 300 millions de dirhams comme capital pour la société de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, 250 millions de dirhams pour celle de Béni Mellal-Khénifra, 200 millions de dirhams pour celle de Casablanca-Settat et le même montant pour Draâ-Tafilalt, 150 millions de dirhams respectivement pour les SRM des régions de Rabat et de Souss-Massa, et, enfin, 100 millions de dirhams comme capital pour les entreprises des autres régions restantes. La répartition du capital initial pour chaque société montre que l’État apporte 25 % du capital initial de chaque société, les collectivités territoriales ou leurs groupements, ou les deux, participent avec 50 % du capital, alors que l’Office national d’Électricité et d’Eau Potable apporte les 25 % restantes.
Difficultés de distribution
La raison avancée de la création de ces sociétés régionales multiservices est de mettre fin aux difficultés de distribution des services de l’eau et de l’électricité face à une demande croissante et de généraliser ces services dans le monde rural. Cette nouvelle stratégie n’aura pas un impact sur la facture de l’électricité, promet-on. Pour combien de temps alors ? Car l’on se souvient encore, avec l’arrivée de Lydec en 1997, les tarifs ont commencé petit à petit à augmenter. A l’époque, on arguait que les investissements consentis ont justifié la hausse des tarifs. Il est à craindre que ces mêmes arguments ne soient mis en avant encore une fois avec le SRM Casablanca-Settat.
En tout cas, si on pousse à croire que cette orientation nouvelle est justifiée par la volonté du Royaume de renforcer sa souveraineté sur ce secteur stratégique, à un moment où les ressources en eau se font rare et le coût du gaz industriel se renchérit, on rappelle qu’en 1997, beaucoup de parlementaires sont montés au créneau pour contrer la cession de la Régie Autonome Intercommunale de Distribution d’Eau et d’Électricité de Casablanca (RAD) à la Lydec, en défendant avec véhémence la souveraineté du Maroc sur ce secteur. En dépit de cette opposition farouche, l’Etat tambourinait que la RAD avait un mauvais état de service. Du coup, on a attribué la gestion déléguée à la Lyonnaise des Eaux, sous la direction de son PDG Jérôme Monod, un proche conseiller de Jacques Chirac. Aujourd’hui, on peut tout reprocher à Lydec, sauf un état de service qui laisse à désirer.
Source : Maroc hebdo : https://www.maroc-hebdo.press.ma/letat-reprend-gestion-leau-lelectricite-lassainissement