« Touba Xepp Ndox mu Neex , s’appuie sur le transfert et le traitement des eaux douces de surface du Lac de Guiers … », Ousmane Hann, conseiller de coordination du projet « TXNMN »

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Dans le cadre de son lancement officiel, le site d’information « hydrodiplomacy.com » est allé à la rencontre de Ousmane Hann, Directeur de la Clientèle et du Recouvrement au sein de la Société de Gestion du barrage de Diama (SOGED), branche de l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS). Par ailleurs, M. Hann est le conseiller de Coordination et Assistant Principal du Secrétaire Général Permanent du projet « Touba Xepp Ndox mu Neex » (TXNMN).

Dans cet entretien, il revient largement sur l’initiative citoyenne « Touba Xepp Ndox mu Neex »  visant à  trouver une solution viable à la  question de la maîtrise de l’eau dans la ville sainte de Touba ( 200Km à l’Est de Dakar) .

Comment est né le projet « Touba Xepp Ndox mu Neex » ?

Le projet « Touba Xepp Ndox mu Neex » est né de la volonté et l’engagement de citoyens sénégalais à apporter leur contribution à la résolution de la lancinante problématique de l’accès à l’eau potable des populations de Touba, mais en tenant compte de la diversité des usagers et usages, et des questions connexes qui pourraient impacter positivement ou négativement le cadre de vie et les revenus des populations. Il s’agit notamment des activités productives, les services, l’assainissement, l’environnement…

Sur la base des constats relevés depuis de longue date, par une diversité d’acteurs (autorités et services publics, autorités politiques, religieuses, communautés locales, populations, acteurs sectoriels, communauté scientifique, citoyens….), des idées de projets et des pistes actuellement explorées, il a été jugé nécessaire d’élargir la réflexion, en visant à valoriser l’expérience et l’expertise de tous les citoyens sensibles à cette problématique et concernés par la vision et les directives des autorités religieuses à la tête desquelles, le Khalife Général des Mourides.

Quels sont vos objectifs à court et à long terme ?

Il s’agit d’enclencher une dynamique permettant de proposer et de mettre en oeuvre une alternative efficace et efficience, aux solutions actuellement retenues pour résorber le déficit actuel d’accès à l’eau de Touba et de ses environs et de prendre en charge les usages multiples.

Comment comptez -vous atteindre ces objectifs ?

Nous comptons susciter la motivation et la mobilisation des citoyens et engager selon une démarche participative, inclusive et désintéressée, une dynamique favorable à l’émergence d’une solution durable. L’atteinte de cet objectif passe aussi nécessairement par la sensibilisation et l’information des différentes catégories d’acteurs responsables et concernés par cette problématique.

Quelles sont les parties prenantes dudit projet ?

Le projet est initié par une communauté de plusieurs centaines d’acteurs d’origines et de compétences diverses (citoyens, talibés, autorités, techniciens et spécialistes dans domaines divers…) organisés en pools thématiques selon leurs domaines de compétence, sous la coordination des autorités religieuses désignées et mandatées par le Khalife des Mourides.  Bien entendu, cette structure légalement instituée, reste en contact avec les autorités de l’Etat, particulièrement celles en charge de l’eau et compte s’inscrire en droite ligne de la stratégie et des orientations sectorielles.

Quelles sont les particularités de ce projet ? Quelles sont ses plus-values comparativement aux projets d’accès à l’eau ?

Le projet s’appuie particulièrement sur le transfert et le traitement des eaux douces de surface du Lac de Guiers alimenté par le fleuve Sénégal et prévoit la desserte des usagers dans les communautés impactées depuis la source jusqu’à Touba, le centre principal de consommation. Le projet prévoit donc de développer des activités économiques basées sur l’utilisation de la ressource en eau pour satisfaire la demande en produits de consommations principalement agricoles, agropastorales, agroindustrielles, piscicoles, mais aussi les besoins environnementaux. Le projet comporte une dimension assainissement avec la possibilité de traiter et de réutiliser les eaux usées.

Quelles contraintes apercevez-vous dans la mise en œuvre ?

Le financement important apparait à première vue comme une contrainte. Mais son ampleur est en parfaite adéquation avec l’ambition de TXNMN. D’autres pesanteurs qui relèvent davantage de la perception, de la volonté et des capacités des populations et des usagers, pourraient entraver la bonne marche du projet. Il s’agit notamment de la question de la tarification et du paiement équitable des services d’eau.

Au plan institutionnel, le caractère spécifique de Touba pourrait constituer une entrave ou une contrainte à la mise en œuvre d’une approche de gestion visant la rentabilité et la durabilité du service d’eau, en adéquation avec les orientations de l’Etat en matière de gestion des services d’eau en milieu rural. L’option de délégation de service retenue par l’Etat pourrait nécessiter des adaptations pour tenir compte de la spécificité du Touba, des zones traversées, du transfert d’eau et de l’approche multi-usage.

Quels sont les atouts, les forces et faiblesses de TXNMN ?

Un des atouts majeurs est l’engagement, la motivation et la volonté de la communauté mouride, parfaitement consciente des enjeux et déterminée à contribuer à la résoudre de la problématique de l’accès à l’eau potable de Touba, selon une approche en adéquation avec la dimension, le statut de la Cité religieuse et la Vision de son Fondateur.

Au titre des forces, on peut citer l’expertise et le savoir-faire de ses membres, les capacités à contribuer techniquement à la définition du projet, à lever des fonds selon diverses modalités et à s’ériger en structure d’appui au service de la communauté mouride et des populations pour assurer les conditions d’une bonne gestion et de la viabilité du projet.

Les faiblesses majeures relèvent davantage de l’ancrage institutionnel de TXNMN qui reste toujours en marge de la communauté des décideurs, malgré sa formalisation en tant qu’association.

Pouvons-nous avoir une idée des conditions d’adhésion ou de participation à cette initiative ?

L’adhésion est libre et ouverte à tout citoyen sans distinction. Il ne s’agit pas d’une association à caractère religieux ni politique. Les textes de l’association précisent ces conditions comme toutes classiques et applicables à toute association légalement constituée (carte de membre, droit d’adhésion, cotisation, respect des textes fondateurs et statuts, participation active à l’animation et au fonctionnement…).

Comment allez-vous financer un projet d’une telle envergure sachant que la ville de Touba a toujours opté pour le modèle de financement participatif ?

Toutes les options de financement sont explorées, en partant du tout public jusqu’au tout privé et en tenant compte de toutes les combinaisons entre ces différents modes. Naturellement, les financements islamiques ainsi que les fonds climat trouveront une place de choix. Les promesses de financement existent. Il reste à définir les meilleurs mécanismes pour capter les opportunités existantes.

Pour garantir la viabilité, une option de tarification sera retenue tout en veillant à la soutenabilité pour les usagers domestiques et les usages productifs.

Le financement des investissements et de l’exploitation doivent absolument se refléter dans le coût et le tarif du service d’eau, même si une approche d’atténuation, qui se traduira par une péréquation, est nécessaire pour tenir compte des capacités limitées de certains ménages.

Quelles actions concrètes avez-vous mises en place pour atteindre votre objectif ?

TXNMN a démarré ses activités en structurant le projet. A partir de cette étape, les autorités religieuses et étatiques ont été informées, sensibilisées et leur appui sollicité pour une appropriation et un portage au plus haut niveau.

Les activités portent actuellement sur l’élaboration d’une note conceptuelle et la définition plus approfondie, au stade APS, du projet.

Les rencontres prévues avec les autorités administratives et personnes ressources désignées par le Khalife permettront d’avancer dans la prise en compte et l’intégration de la solution proposée, aux solutions préconisées par l’Etat et validées par les autorités religieuses.

Comment les citoyens ont-ils été impliqués dans ce projet ?

A travers une démarche d’information, de communication et de sensibilisation utilisant toutes les technologies les plus efficaces. Le niveau d’adhésion enregistré confirme l’intérêt des citoyens. En effet, un site internet dédié (www.toubaxepp.com) est une plateforme d’information sur les tenants et les aboutissants du projet. A cela s’ajoute la participation aux rencontres locales, nationales et internationales sur la problématique de l’eau (CRD, Forum mondial de l’eau, et des visites d’ouvrages et de dispositifs de fourniture d’eau etc.)

Quels ont été les résultats de cette initiative jusqu’à présent ?

Les études techniques du projet sont en cours et la formalisation de TXNMN en tant qu’association est achevée. Plusieurs rencontres ont été organisées avec le Khalife et les autorités religieuses, ainsi que les personnes ressources désignées par le Khalife. Les instances de TXNMN se réunissent régulièrement sous la coordination des autorités désignées par le Khalife.

Des visites de terrain ont été organisées au niveau des ressources mobilisables et sur le tracé du système de transfert (barrage de Diama et Système de Notto Diosmone Palmarin/NDP),

L’association s’implique dans toutes les initiatives entreprises dans la cité. Actuellement, sur ndigël du Khalife Général des mourides à l’attention des Dahiras Moukhadimatoul Khidma et de Massalikoul Djinane de Toulouse, un forage est en cours de construction au niveau des Cimetières de Bakhiya avec l’assistance technique et scientifique de TXNMN instruite par le Khalife lui-même.

Ce projet ouvre quelles perspectives pour Touba et son hinterland, pour le pays ?

Le projet, combiné aux initiatives et grands projets du Khalife (Université de Touba par exemple), constitue une opportunité d’emplois durant les différentes phases d’études, de travaux et d’exploitation. La présence de ressources en eau douce à Touba, en quantité et en quantité satisfaisante associée au volet assainissement et de réutilisation prévu par le projet va inéluctablement entrainer avec la plupart des UFR de l’Université un essor de la recherche – développement autour des métiers de l’eau.

Ainsi, la disponibilité du service d’eau permettra de mener des activités productives. Les effets et impacts du projet seront très bénéfiques à Touba, à ses environs et au pays à travers notamment une contribution à la croissance économique, à la résorption des déficits d’emplois, à la génération de revenus pour les ménages, à la souveraineté alimentaire et surtout à la satisfaction des besoins de Touba (produits de consommation). Les effets sur la santé et le cadre de vie sont indéniables.

Déjà, en phase de conception du projet, on parle de : eau de boisson, eau de production, eau d’assainissement et de recyclage, eau d’embellissement, eau de loisir, etc. pour la ville sainte.

Comment voyez-vous l’avenir de l’eau au Sénégal ?

Si l’atteinte de l’accès universel à l’eau est quasiment assurée, la problématique de l’accès sécurisé, particulièrement de la qualité de l’eau, demeure entière.

Au plan institutionnel et en matière de gestion du service, les contraintes subsistent dans la mise en œuvre de la réforme de l’Hydraulique rurale. Des avancées significatives ont été notées à ce niveau. Au niveau urbain, le modèle de gestion a fini de faire ses preuves après la mise en œuvre avec succès, de la réforme de deuxième génération.

La gestion des ressources en eau constitue un enjeu de taille, face au changement climatique et aux enjeux environnementaux et de gouvernance. Ce sous-secteur mérite l’attention et le soutien de tous les acteurs. Des modèles de transfert d’eau interbassin associant les eaux souterraines, sont étudiés.

Le retard de l’assainissement constitue une préoccupation, notamment en milieu rural. Les orientations innovantes promeuvent un développement et une gestion des services d’eau et d’assainissement selon le principe de l’économie circulaire.

L’avenir de l’eau est très prometteur et s’appuie sur des modèles ayant prouvé leur efficacité, une organisation institutionnelle performante et des partenaires techniques et financiers engagés.

Propos recueillis par Maguette Kebe (fondatrice de hydrodiplomacy.com)

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